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Quelques mises au point sur les hommes victimes de viol

Quelques notes en guise de préambule, et tout d’abord, un avertissement sur le contenu, ou trigger warning pour les initié·e·s : je ne m’épargnerai pas, dans ce modeste texte, des descriptions (brèves et peu graphiques) de viol, des références à des propos remettant en cause ou minimisant les sentiments des victimes, des allusions à des plaintes déposées aux forces de l’ordre, et des évocations de violences racistes, validistes, homophobes et transphobes. Je me risque aussi à ne pas inclure ici les victimes de pédophiles, n’en ayant jamais été victime moi-même, et ne sachant s’il est pertinent de traiter différemment victimes masculines et féminines. Enfin, je ne parlerai qu’au masculin, non par dévotion aux règles d’accord académiques, mais parce que ma légitimé à m’adresser à des femmes ou à des personnes non binaires me paraît douteuse.

Lors de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, bon nombre d’indigents, plus ou moins bien intentionnés (mais je fais le pari que les intentions sont à mettre de côté), ont cru à propos de reprendre en chœur ce refrain-ci, au sujet des viols en particulier : « Des hommes aussi peuvent être victimes ! » Quoique le peu de pertinence à mentionner coûte que coûte les hommes lors d’une journée dédiée aux femmes dût me mettre la puce à l’oreille, je compris bien vite qu’au fond, à force de variations syntaxiques, cette phrase s’évidait de son sens : le lendemain, ceux qui l’avait répétée à l’envi se réveillèrent paisiblement la joue baignée de bave, loin derrière eux la pensée de tous ces hommes victimes de viol au sommeil agité.

Mais on n’oublie jamais rien, on vit avec, pas vrai ? J’aimerais donc parler un peu, du mieux que je peux, des hommes qui sont victimes d’agressions et de violences sexuelles. Il faut me compter dans cette catégorie : je n’invente pas, je raconte tout droit. Sans méthodologie particulière, et n’étant ni sociologue ni journaliste, mais concerné au premier chef, je compte parler plus précisément du discours tenu sur les hommes violés, allant jusqu’à le rectifier, pour ne rien cacher de mes ambitions.

En creux, d’emblée, cette évidence : le discours sur les victimes masculines se fait avant tout remarquer par son absence ; s’y intéresser est d’abord se résoudre à la tâche difficile d’en explorer les silences. Bien que la parole des hommes se libère timidement, un manque cruel de témoignages se fait sentir, ainsi que l’invisibilité systématique des hommes violés (aussi bien dans les chiffres du gouvernement que dans les discours non militants sur le viol en général, où toutes les victimes sont subrepticement résumées et raccourcies sous le terme femmes), dont on ne saurait bien distinguer si elle est la cause ou la conséquence du silence qui plane. On a coutume d’expliquer ce mutisme par les exigences de virilité qu’on imprime aux hommes depuis qu’ils sont nés. Toxic masculinity, ou masculinité toxique (de rien pour cette traduction impeccable) est une locution féministe créée pour désigner ce que les hommes subissent de l’ordre patriarcal, et notamment la façon dont ils sont communément perçus : violents, forts, prédateurs, dénués d’émotion, taiseux. L’homme violé est donc le pusillanime sur qui l’opprobre est jeté, et qu’on a habitué à se cacher.

Plus exactement, la culture du viol, sentiment diffus inconsciemment respiré par tous, se situe elle aussi du côté de la virilité, notamment lorsqu’il est question de réagir à sa propre agression. La vision masculine de la vie après le viol s’impose, resplendissant dans tous les films de rape and revenge, pour ne prendre que cet exemple, genre réalisé surtout par des hommes où, après avoir été victime d’un viol, une femme se livre à une vengeance sanglante par le meurtre de son agresseur. De ce que j’ai pu en voir et en vivre, se venger physiquement est une réaction exceptionnelle : chez moi — et je dis « chez moi » car je n’aurai jamais la prétention de porter ce sentiment à l’universel, et qu’il n’y a jamais de solutions adéquates, mais une diversité de réponses toutes gauches, de réactions qui échappent aux jugements —, faire le plus grand mal aux coupables n’est que de peu d’importance. Défigurer son violeur, revenir le brutaliser, le torturer à mort, ou bien juste « lui casser la gueule » sont des ripostes qui relèvent du fantasme viril. Ce dernier coince les hommes entre deux feux : éduqués et nourris de ce discours auquel nous contribuons, nous nous apercevons à nos dépens qu’il est intenable en réalité. Aujourd’hui encore, il me semble que l’impératif de courage (il faut sortir la tête haute d’un viol) est revalorisé, y compris dans les cercles féministes, alors que cinq ans plus tôt, je lisais qu’une victime de viol était nécessairement traumatisée. Peut-être le retour de cette injonction est-il significatif ?

Voilà donc autant d’explications possibles au silence des hommes : l’intimation traditionnelle à se taire, la représentation des hommes en créatures fortes dont rien n’est dit de la vie intérieure, l’impossible correspondance entre les propos virilistes qu’ils perpétuent et leur application. Ainsi, ce tabou va s’intensifiant dans l’esprit des victimes, si bien que beaucoup traînent leur déni pendant des lustres (je vous assure, j’aimerais beaucoup exagérer) : la réalité du viol nous sidère toujours en retard, le temps de voir s’évanouir les étoiles, leur lumière cessant de nous parvenir dix ans après, ou, disons, en moyenne, le temps que l’ADSL a mis pour arriver jusqu’en Auvergne.

En plus de ce point aveugle qui laisse souvent les victimes démunies, on dispose de peu de données fiables, ne serait-ce que pour déterminer qui sont les hommes subissant des viols. Mais peu importent les statistiques analysées, elles sont surtout révélatrices de ce qu’elles n’indiquent pas de façon transparente. En 2011, on a enregistré en France 4983 plaintes pour viol ; parmi ces dernières, on dénombre 432 viols à l’encontre des hommes, dont 179 sont des viols conjugaux (je reprends ceci). Dans ce cas, par exemple, que faire des hommes qui n’ont pas porté plainte ? Il y a d’abord ceux qui n’ont pas de papiers à leur nom et se sentent en position d’irrégularité, au premier rang les hommes en situation d’immigration clandestine et ceux effectuant leur transition (c’est-à-dire ceux qu’on a assigné de force à une identité féminine à la naissance), ces deux états n’étant bien entendu pas incompatibles. Bien plus largement, certains se méfient à raison des forces de l’ordre, refusent ou sont dans l’impossibilité de coopérer : les hommes qui ne sont pas perçus comme blancs — aussi bien les Noirs que les Rroms, entre autres, mais aussi les hommes trans (dont je note la grande présence dans le projet Unbreakable), les homosexuels et bisexuels (« À la gendarmerie, quand il a dit ce que son beau père lui avait fait, on lui a ri au nez »), les détenus, les victimes de conflits armés, les hommes en situation de handicap, d’illettrisme — ici encore, ces conditions ne se contredisent pas. Après ce bref parcours des portraits d’hommes potentiellement victimes, il ne me semble pas aventureux de supposer que ces catégories sociales sont les plus exposées aux violences sexuelles, qui aux viols correctifs, qui aux abuseurs convaincus de rester impunis, qui à la violence masculine en général.

Certes nombreuses mais inexploitables sans enquête documentée sur chacune d’elles, que révèlent unanimement ces données ? Elles convergent toutes en ce qu’elles montrent toujours plus d’hommes responsables de viol que de femmes victimes. Derrière cette asymétrie, la question des violences d’homme à homme et de femme à femme est soulevée. Pourtant, toutes les discussions et articles ne font état que d’une victime, la plupart du temps : l’homme qui a été violé par une femme, comme une réponse élaborée tacitement aux représentations courantes du viol (à savoir : des violences sexuelles de la part d’un homme à l’encontre d’une femme).

Il y a un tribut à verser en échange de cette visibilité, toute mince qu’elle est : ils subissent de plein fouet les préjugés sur le viol et les victimes. Le cas tout récent de Shia LaBeouf, violé par une femme lors d’une performance artistique, nous signale, au cas où on en pouvait douter, qu’un homme déclarant les violences à son égard se verra reprocher de vouloir attirer l’attention sur lui, de l’avoir cherché, même. « J’ai du mal à ne pas avoir une petite pensée pour le buzz », insinue Mélina Loupia, sous l’article consacré du Huffington Post. Tatawana Boulawane ajoute : « ce mec m’a l’air d’être un escroc total », déclarations soutenues par Constance Langlois, persuadée d’un acte « grotesque et honteux, envers celle et ceux qui ce sont fait réellement violer, de faire passer ça pour un viole, alors qu’il avait les moyens de se défendre ». Ces types de discours fréquents (ainsi que tout l’appareil rhétorique visant à amenuiser la portée sociale et politique des viols — « il y a des pervers aussi chez les femmes », « ce sont des actes de folie isolés ») et particulièrement défendus (ce sont les commentaires les plus appréciés) ont été déjà largement décrits dans ces quatre articles : 1, 2, 3, 4.

Cependant se dessine une particularité que je trouve plus manifeste dans les discours sur les hommes victimes : on a au moins autant tendance à remettre en cause leur parole qu’à disqualifier l’acte en lui-même. Dans un contexte hétérosexuel, plus que lors d’un viol commis par un homme sur une femme, la gravité de l’agression sexuelle d’une femme sur un homme est désamorcée, voire tournée en dérision, ainsi que l’a dénoncé Andrew Bailey dans son sketch saisissant « Why Rape is Hilarious? ». Une proportion assez inquiétante d’articles gâchent même leur précieux nombre de signes à se demander si un homme peut être violé (sous-entendu : par une femme). C’est pourquoi ils passent leur temps à se perdre dans des élucubrations sur les potentialités physiques des hommes (dont on suppose constamment qu’ils sont cisgenres et qu’ils ont tous un pénis). Un homme peut-il entrer en érection même s’il n’est pas excité ? Ne faut-il pas une dextérité particulière aux femmes pour se faire pénétrer par un homme qui ne le veut pas ? Plus largement, les hommes étant plus robustes, pourquoi ne se défendraient-ils pas ? Toutes ces circonvolutions trop curieuses sont à bannir : vaines, elles participent à la définition essentialiste du genre masculin qui exclut les hommes trans et, plus largement, les hommes ne concordant pas avec ce qu’on attend d’eux. Elles modifient aussi le jour sous lequel apparaissent les femmes, dont les actions et agressions sont dès lors sans conséquences, et les hommes, toujours demandeurs de relations sexuelles. Elles ont néanmoins le mérite de mettre en lumière la différence légale française entre viol et agression sexuelle, sous-jacente dans tous les esprits : seule une pénétration sans consentement est considérée comme un viol. Mais ces oripeaux de culture hétérosexuelle abrégeant  la sexualité à la pénétration, il est enfin temps de s’en défaire.

Malgré ces quelques disparités entre le traitement des hommes et celui des femmes, tous les articles que j’ai lus présentent un point commun et singulier : ils visent à mettre les hommes en concurrence avec les femmes. Le viol des hommes est présenté en réciproque au viol des femmes, en occultant tous les constats politiques de domination pourtant bien établis, à commencer par une violence masculine plus systématisée. Il s’agirait alors de réhabiliter la visibilité des hommes victimes en montrant que les femmes peuvent violer (incroyable !), ou bien en n’hésitant pas à affirmer que les victimes masculines sont aussi nombreuses que les féminines. Ni l’une ni l’autre des démarches ne me semblent fructueuses, notamment parce qu’elles s’accompagnent souvent de tentatives crapuleuses pour manipuler les données chiffrées. Ainsi de celle que nous propose (oserais-je dire inflige) Hanna Rosin : dans cet article de Slate (le premier qui apparaît pour toute recherche Google « viols hommes » ou « hommes violés »), la journaliste croise discrètement deux études distinctes pour arriver à 38% d’hommes parmi les victimes de viol déclarées, chiffre surprenant. Qu’elle soit traduite par Peggy Sastre, qui veut « en finir avec le féminisme », et qu’elle reprenne des propos de Lara Stemple, pour qui le statut de victime déshonore la communauté des femmes — en bref, qu’elle s’inscrive dans une démarche à la limite du masculinisme — tout cela n’est pas anodin.

C’est précisément en nous instrumentalisant, nous victimes de violences sexuelles, que les masculinistes entendent bien faire diversion pour faire taire les revendications féministes. Du haut de leur esprit clairsemé et de leur place privilégiée, ressassant la rengaine des hommes aussi qui sont violés, ça vous en parlez jamais hein, ah je vous ai bien eues, argument imparable !!!, ils contournent la difficulté de notre condition, réduite à l’état de bâillon étouffant les combats des femmes. Or, si j’ai pu rester patient devant le spectacle de mes propres viols, il m’est particulièrement insupportable d’être utilisé pour réduire au silence celles qui ont toujours su être là. Qui d’autre que les femmes ont su me répondre avec pertinence quand je me suis confié ? Qui, féministe ou non, savait m’expliquer mieux que personne (mieux que moi-même, en toute honnêteté) ce qui m’était arrivé ? Non, non, je n’invente pas, moi je dis ce que je dois. Il n’y a que chez elles que j’ai pu lire et entendre décrits l’immense feu de forêt, le craquement au fond de mon crâne, sensation semblable à la tête d’une allumette qu’on embrase et qu’on regarde s’éteindre, le sang, le sperme, les larmes et le sentiment de néant qui s’ensuivirent, le sédiment de deuil déposé tout au fond dont j’ai cru que, de matin en matin s’accumulant, il finirait par causer ma mort.

Je n’ai pas la solution suprême. Les propos habituels sur les hommes violés ne sont pas moins catastrophiques que ceux au sujet du viol en général. Les positions féministes sur le sujet, moins répandues quant à elles, ne connaissent pas de pendant masculin. C’est pourtant, à mon avis (et je n’aurai pas la présomption de parler au nom de tous, mais seulement de constater ce qui me semble le plus souhaitable), de ce côté-là qu’il faut chercher : un discours militant serait le seul à ne pas escamoter la diversité des victimes ainsi que les problèmes qui leur sont propres, en même temps qu’il lutterait contre les autres traitements traditionnels à tendance masculiniste. Les rares témoignages, l’exemple encore trop éloigné des combats féministes, l’éloquente invisibilité des hommes agressés et violés, l’espoir que leur parole se libère, qu’ils puissent un jour vivre le cœur léger, et que ce texte ait un peu plus de portée qu’une averse en plein désert, voilà notre piètre arsenal face au silence. Mais puisque ce dernier n’en finit jamais d’être insoutenable, et que tout reste à construire, n’en finissons jamais d’écrire.

                                                                                                                                                                                     Adrien.

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Injonctions contradictoires, contraintes multiples et théorisation incomplète.

L’un des axes de lutte du féminisme consiste à repérer, notamment par la théorisation à partir de l’expérience, les injonctions faites aux femmes dans le régime du patriarcat pour correspondre à de « vraies femmes ». De l’apparence physique aux traits de caractère, des aspirations les plus futiles aux plus profondes, ces injonctions sont mises à jour. L’adhésion à ces injonctions encadre, dans le patriarcat, la vie des femmes et crée des catégories entre bonnes et mauvaises, celles dignes d’être respectées et celles dont la vie ne vaut rien. Mais, plus encore, ces normes sont exploitées et parfois même raffinées par des industries diverses (beauté, tourisme, mode, loisirs, livre) qui s’en servent pour créer des besoins auxquels leurs produits seront tout naturellement adaptés et permettront ainsi à des multinationales de prospérer. Si cette logique est plutôt simple, le travail d’excavation des injonctions est, lui, ardu.

 

Considérer que ces injonctions vont dans un seul sens est cependant erroné : en effet, l’une des particularités du patriarcat se situe dans la manière dont celles-ci vont se contredire. On peut le voir à travers l’un des exemples les plus couramment utilisés, celui de la sexualité. L’équilibre à atteindre se trouve entre la salope et la femme trop peu dégourdie. L’équilibre tel qu’il est vanté par les magazines féminins qui vendent des astuces pour trouver ce parfait mélange, cette mixologie gagnante. Ce point idéal n’existe bien sûr pas, mais continue à faire vendre livres, tests et tutoriaux, il fournit également les munitions pour culpabiliser, insulter, agresser toutes les femmes, tour à tour pratiquant trop ou pas assez le sexe. On trouvera des justifications du viol sur celles qui l’ont bien cherché par leurs tenues trop provocatrices, mais on verra aussi des justifications du harcèlement de celles qui ne le seraient pas assez.

 

Pourtant, on continue de se poser la question de ce qu’il faut faire avec ces injonctions, une fois découvertes. Cette interrogation est généralement celle qui pose le plus de problèmes dans les milieux féministes. Peu de groupes (ou même de mouvements moins formellement organisés) ont élaboré des programmes éthiques d’action à partir de ses injonctions. La recréation d’injonctions destinées, si elles étaient suivies, à abattre le patriarcat par la seule force du non-alignement aux prescriptions patriarcales, n’est que très peu proposée.

Le consensus entre militantEs semble se positionner sur l’importance de la liberté, et la possibilité de choisir, une fois ces injonctions mises à jour. L’enjeu crucial se situe donc dans l’information, l’éducation et la description des discours prescriptifs dans le patriarcat. En clair : chercher à montrer la diversité derrière l’obligation.

 

Pourtant, on constate que cette possibilité de choix s’accompagne souvent de mea culpa aux formes diverses et variées, d’excuses ou de justifications sur les raisons pour lesquelles on suit encore les injonctions du patriarcat telles qu’elles ont été comprises par le féminisme.

Comme si on avait besoin de justifier à un confesseur sa non fidélité à la doctrine.

Ces pratiques ne sont bien évidemment pas codifiées, encore moins institutionnalisées, mais elles se retrouvent, quand les discussions passent des agendas et actions militantes à ce qui était auparavant confiné aux sphères du personnel. Les excuses et la culpabilité sont bien sûr rejetées quand on s’essaie à la théorisation. On cherche cependant bien à mettre sur papier, que « non, définitivement non, si on suit ce qui a été identifié comme une injonction patriarcale, même après y avoir réfléchi, même après l’avoir décortiquée, on ne fait rien contre le patriarcat ». Voire pire, en suivant ces règles implicites pour femmes respectables, on contribue quand même un peu à le faire perdurer.

 

La constitution d’objectifs politiques de lutte, même peu formalisés, fondés sur le non respect de ces injonctions, rassure. Elle donne l’impression d’avancer quand il s’agit d’injonctions désignées comme mineures et permet de désigner des modèles d’émancipation plus avancés. Elle permet aussi de proposer une mesure tangible des progrès du féminisme.

 

Ces processus se jouent cependant largement aux dépends de celles et de ceux qui se retrouvent à l’intersection de divers systèmes de domination, le patriarcat agissant en conjonction avec d’autres systèmes de domination tels que suprématie blanche, hétérosexisme, cissexisme, domination de classe. Si on a mis en évidence certaines injonctions contradictoires, les points d’intersectionnalité multiplient leurs occurrences et fabriquent des situations dans lesquelles il n’est pas possible de gagner.

 

L’année dernière, des féministes américaines ont mis en avant la manière les injonctions paradoxales qui émaillaient le programme des Républicains et atteignaient particulièrement les femmes noires et latina américaines, qui sont nombreuses parmi les femmes économiquement les plus défavorisées. Un candidat républicain en effet proposait dans un premier temps de célébrer les femmes faisant « le plus beau métier du monde » et restaient à la maison pour s’occuper de leurs enfants en opposition à celles qui lui donnaient du fil à retordre dans les arènes politiques. Dans le même temps, ce candidat expliquait « qu’effectivement, laisser ses enfants derrière soi à la maison était difficile, mais que c’était ce qu’il fallait, et que prendre un troisième travail alors qu’on faisait déjà 50 heures, oui c’était difficile, mais c’était le moyen de s’en sortir et les mères savent bien qu’on doit faire des sacrifices » et, en conséquence, il se devait de couper les fonds des programmes de food stamps pour apprendre aux gens à se débrouiller par eux-mêmes. Un seul Républicain les a formulées aussi clairement, mais cet exemple d’injonctions traverse le mouvement républicain et leur permet de mettre en péril des programmes de subsistances déjà très précaires et dont la pérennité est actuellement essentielle pour la survie de millions de personnes.

 

Des femmes féministes trans ont bien résumé en quoi les injonctions à la féminité physique était une situation dans laquelle il est impossible de sortir gagnante. Caricature de féminité ou pas assez femme, elles perdent à tous les coups et sont l’objet de moqueries, harcèlements, attaques en raison de ces injonctions.

 

Les pratiques de résistance aux injonctions ne peuvent pas aller dans un seul sens, elles ne seront pas toutes les mêmes, notamment parce que ces injonctions sont contradictoires et qu’elles ne nous touchent pas touTEs de la même manière. Le travail de recherche, de documentation et de vulgarisation semble constituer l’une des meilleures pistes de luttes. D’abord parce que, et nombreuxSES sont ceLLEux qui l’ont correctement diagnostiqué, les systèmes de domination sont aussi dans nos têtes. Si on se place dans l’objectif d’une lutte intersectionnelle de ces systèmes de domination, il en découle que les personnes se situant aux intersections subissent les assauts mentaux de tous ces systèmes et que leur manière de s’y rebeller sera une réponse à ceux-ci.

 

Il ne s’agit pas ici de dire que nous sommes tous différents et que toute analyse globalisante n’est envisageable. Il s’agit de dire que souvent l’analyse simplifie et théorise de façon incomplète. Fonder des moyens de luttes sur le fruit de ces théories et recréer des manuels des parfaitEs soldatEs anti-sexistes est voué à l’échec, d’abord parce qu’il risque l’abandon des questionnements de nos pratiques pour un prêt-à-penser, ensuite parce qu’il fera nécessairement l’économie de penser la place des injonctions contradictoires. Alors peut-être qu’en effet la manière dont nous nous comportons faces aux injonctions laissera penser que nous nous y soumettons (comment faire autrement si on nous soumet à deux injonctions diamétralement opposées), d’autrefois elle apparaîtra radicalement opposée à ce que d’autres militantEs ont choisi de faire. Peut être devons-nous faire le pari que nos camarades de luttes aussi pensent, réfléchissent, sont prêtEs à remettre leurs actes en question, l’ont sans doute déjà fait mais s’inscrivent aussi dans une démarche de résistance à des systèmes de domination. Peut être devrions-nous arrêter de vouloir sauver les autres à coup de méthodes pour devenir une parfaite féministe à l’abri dans son îlot hors du patriarcat mais bien leur donner des outils tels que des réflexions à plusieurs, un respect des non-mixités, des moyens matériels si nous en avons, du soutien pour nous permettre de comprendre la manière dont les prescriptions des systèmes de domination pèsent sur nos existences et mettre en place nos stratégies de résistance aussi variées soient-elles.

 

On m’accusera peut-être de prôner un féminisme du libre choix prêt à être adopté par le libéralisme économique.

Je pense, d’une part, que l’information maximale et la lutte collective basée sur des solidarités informées, que je prône, sont quelques-uns des pires ennemis des organisations capitalistes (qui fonctionnent actuellement par le maintien dans l’ignorance des masses consommatrices et individualistes) ; d’autre part, je pense que la tendance à la création d’injonctions réponses, de manuels de petitEs militantEs permet la création de marché économique à l’intérieur du féminisme et la marchandisation des groupes militants, favorisant toujours les personnes les plus économiquement dominantes à l’intérieur même de ces groupes.

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Le mythe de la Police Politique.

The community is sick and the community is blind

La communauté est malade et la communauté est aveugle

And it’s colder than Poland and the sun is not shining here

Et il fait plus froid qu’en Pologne et il ne fait jamais soleil

And we’re tangled in the shit of each other’s ruined affairs

Et on s’embrouille dans les merde confuses de chacun-e-s

And half of us are faking and the other half is tired and scared

Et la moitié d’entre nous fait semblant, et l’autre moitié est fatiguée et apeurée


Thee silver Mt Zion – Could’ve move moutains

Ca fait un petit moment déjà que, autant chez « la droite réactionnaire », les libéraux et les sociaux-démocrates que dans nos petits milieux anti-autoritaires et anti-oppressions, on entend souvent revenir le mot de police pour caractériser les personnes qui tentent de pointer les comportements et propos problématiques. Tout en faisant réfléchir leurs auteur-e-s à ce qui les a poussé à faire/dire ces choses : c’est à dire dans la plupart des cas l’intériorisation de plein de trucs pourris dont on nous bourre le crâne depuis qu’on est gosse (mais qui n’est pas acceptable pour autant) lorsque ce n’est pas la volonté délibérée de nuire à une/des personne-s.

C’est ainsi que l’on peut entendre parler de la mystérieuse police politique lorsque quelqu’un-e se fait critiquer pour son féminisme cissexiste, lorsque quelqu’un-e défends bec et ongles des rappeurs blancs hétéros contre les LGBTI racisé-e-s qui le critique, lorsque quelqu’un-e envoie chier et ridiculise des végan-e-s qui voulaient essayer de remettre en cause notre façon de consommer et d’utiliser les corps des animaux non-humains. Ce qui est certainement le plus drôle dans tout ça c’est que les grand-e-s libertaires qui se voient accusé-e-s d’avoir eu des comportements problématiques utilisent alors la même rhétorique que nos grand-e-s ennemi-e-s, Manif pour Tous, fachos et autres réacs de bases. Celui de la pensée unique, de la police, du « on ne peut plus rien dire », du politiquement correct.

Bien qu’il soit indispensable de questionner continuellement la façon extrêmement punitive dont nos communautés ont l’habitude de régler les conflits, et comment il est indispensable d’y trouver des alternatives (1), répondre à la personne qui remet nos comportements/discours en question par des arguments ne se centrant pas sur l’oppression que l’on perpétue (et par ce procédé la niant) n’est certainement pas une réaction acceptable. Mais c’est bel et bien une tentative de s’en sortir en implorant la liberté (tandis que tout le monde se branle (et a raison) de la liberté des fachos à dire ce qu’il veulent) et comparant son interlocuteur/rice à une institution d’état incarnant en elle-même l’oppression et le fascisme, ce qui est ridicule mais aussi très dangereux. C’est aussi reléguer son comportement oppressif et donc une violence instituée, systématique et excluante comme simple opinion, et oublier que le privé est politique, toujours, encore, et plus que jamais. Déplacer le débat équivaut donc à nier la violence vécue et silencer les minorisé-e-s.

Le parallèle très évident entre cette défense et les arguments habituels de nos ennemi-e-s politiques explicites laisse penser que pour se défendre d’être un-e oppresseur-e (ce que nos société ont réussi, d’une point de vue personnel (mais justement en le dépolitisant), à positionner négativement) il n’y a que les arguments des réacs qui tiennent. Ce qui n’est pas particulièrement étonnant, il est évident qu’il existe des réactionnaires chez les anars. Mais ça clarifie au moins le fait que cela ne tient pas particulièrement la route politiquement de se défendre d’avoir été excluant-e par la ridiculisation, les comparaisons douteuses et l’inversion de l’agression, qui ne sont au final que des méthodes de silenciations.

C’est exactement le même procédé qui est utilisé lorsque on évoque les nazis, pour parler des féministes, des végan-e-s, des LGBTI, des anti-racistes, celui de décrédibilisation d’un mouvement politique par la comparaison de ce mouvement au fascisme et à la répression. Tandis qu’il est évident que les comportements visant à remettre en question des comportements oppressifs semble plus être un processus d’évolution et de questionnement politique que de la répression visant à asseoir la suprématie des dominant-e-s. Quelle que soit la violence d’une réaction à des propos visant une minorité, elle n’est en rien comparable à la violence systématique que vivent les personnes minorisé-e-s, et certainement moins violente que les propos critiqués.

Le refus d’être silencieu-se-s envers des propos offensants, patriarcaux, cis-heterosexistes, libéraux, racistes, spécistes, validistes, n’est en aucun cas une forme d’oppression. Nous luttons tout-e-s pour détruire le système qui institue ces violences comme normes, mais là encore, certaines personnes pensent que seules certaines sont à détruire. Ratant alors totalement le but de tout ce pour quoi nous somme sensé-e-s nous battre. Il est important de toujours se remettre en question, de ne jamais arrêter de croire que l’on est à l’abri de faire des erreurs ou de blesser une personne en ayant des propos profondément oppressifs. Il est donc primordial d’écouter et de prendre en compte ce que des personnes nous disent si on veut arriver à être des personnes le moins horribles possible.

L’unité n’est qu’un mythe et certainement pas un prétexte à laisser des attitudes excluant des minorités (souvent minorités des minorités) dans nos espaces, ainsi la pédagogie, la verbalisation des violences subies, et la recherche de solutions collectives comme personnelles pour changer les échanges et situations d’oppressions sont des outils que nous devons utiliser. Mais comprendre et ne pas policer (justement) la violence avec laquelle les personnes visé-e-s répondent est vital pour la survie autant de ces personnes que de nos idéaux politiques.

C’est en questionnant et changeant nos comportements, en créant une culture de compassion et d’intransigeance (2) que l’on parviendra à arrêter de reproduire ce que la société hétéropatriarcapitaliste nous a appris à faire, et ainsi, peut être, commencer à envisager de parvenir à la libération totale.

  1. Je pense, sans avoir de réponse, qu’il est vraiment nécessaire, à cette heure de textes de dénonciation semi-anonymes en pagailles, de vraiment se demander comment on en est arrivé là, pourquoi on continue de le faire, ce que ça nous apporte et quelles autres alternatives nous avons (aussi en créer de nouvelle me semble indispensable).
  2. Compassion avec les personnes tentant de résister à la violence sociale exercée jusque dans nos milieux. Intransigeance avec les comportements excluants/violents/oppressants.
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Polyvalence, divergences.

Moi j’y ai cru.
J’ai bien aimé.
Et puis on en a vraiment besoin. D’écrire, de témoigner, d’espaces où c’est possible.
Puis j’ai lu.
Et c’est juste au détour de quelques mots, quelques phrases, toujours maladroites, toujours pas pensées comme ça. Mais je l’ai lu. Le rejet, la haine, le mépris, la stigmatisation.
« Y a deux mecs noirs » (1)
« Je suis un homme, sur le plan biologique. » (2)
« cet attardé congénital » (2)
« dans certains contextes puant l’hormone mâle » (2)
 » juste d’un fils de pute » (3)
 » Être victime de sexisme est un fait, pleurnicher de déboires entre sexes opposés en est un autre. » (4)
Et je me suis demandé si ça allait un jour changer.
Que l’on ne soit pas capable de créer des espaces où sous couvert de féminisme on fait du sexisme, du racisme, de la transphobie, de l’essentialisme, de la putophobie devrait nous faire nous interroger.
On a le droit de faire des erreurs et on a le droit de se remettre en question.
On a le droit de demander des comptes et on a le droit d’attendre des changements.
L’empathie c’est bien, lorsqu’elle ne va pas toujours dans le même sens.
Celui des privilégiéEs.
Alors c’est bien de faire des réunions, des textes, des interventions, des chartes sur la bienveillances, les dynamiques d’oppression, le safe.
Sauf que moi j’en ai rien à foutre qu’on soit bienveillantE avec moi. Et jme sens pas plus libre ou plus en sécurité entouré de féministes cis que quand je suis entouré de connards cis-het. Et je sais très bien que je ne serai jamais safe nulle part, et je m’en branle.
Je me sens pas mieux à l’intérieur que dehors et je veux être nulle part.
Moi ce que je veux c’est qu’on arrête de faire croire qu’on est uniEs quand on rêve toutEs de s’étriper.
Qu’on arrête de faire croire qu’on en a quelque chose à foutre de ce que d’autres vivent alors qu’on continue à leur cracher à la gueule après.
Moi j’aimerais bien que nos mécanismes pour faire face à la violence qu’on subit ne nous servent pas à ostraciser et rejeter les personnes qui sont encore plus dans la merde que nous.
Mais partout, tout le temps, dans la société ou dans nos milieux militants so radicaux, on se retrouve toujours à refaire ça.

Faudrait peut être commencer à avouer qu’on a échoué.

Si on veut construire quelque chose qui ne s’effondrera pas.

(1)http://polyvalencemonpote.com/mon-pire-souvenir-suite-et-fin-jespere/
(2)http://polyvalencemonpote.com/comme-les-autres/
(3)http://polyvalencemonpote.com/le-testeur-et-limpure/
(4)http://polyvalencemonpote.com/vs-letexte/

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Fem & Pouvoir.

Je suis pas fan des étiquettes, des petits mots qu’on s’appose sur la peau pour se réduire. Mais je suis gouine et plutôt féminine. C’est-à-dire que je suis à l’intersection de la lesbophobie et du sexisme. Avec d’autres, on appelle ça la femphobie. Au départ, il y a la silenciation, le refus d’entendre et le refus de croire. Je suis fem parce qu’on ne me croit jamais quand je dis que je suis gouine. Sans aucune exception, tou-te-s les hétéros et toutes les gouines que j’ai rencontrés s’accordent sur ce point : je fais pas gouine. Du pote avec qui tu discutes en soirée, jusqu’à la meuf dans ton lit : « mais mais t’es sûre que t’es gouine ? ».

Puisque visiblement, il est nécessaire de se justifier : disons que je suis fem.

 

En quoi fem est-elle une réponse à la lesbophobie ?

J’essaie, avec mes petits bras délicats, de démonter la gueule de l’idée selon laquelle « ça se voit ». À la taille de tes ongles, de tes cheveux, Non si tu me croises dans la rue, tu ne peux pas savoir quel était le genre de mes trois dernier-e-s partenaires. Devine quoi ? C’est vrai pour toutes les personnes que tu croises ! En fait, les fems vont sauver l’humanité de tes prêts-à-penser à la con.

Non, parce que je porte les cheveux longs, un mini-short, des résilles et du vernis rose pétasse, tu n’as pas le droit de croire que je suis hétéro.

 

En quoi fem est-elle une tarte dans la gueule du sexisme ?

Parce que c’est quand même bizarre hein, que ce soit la voix des plus féminines qui soit toujours minorée, ridiculisée.

Ma fem-ité et mon féminisme marchent ensemble.

Fem, c’est de la féminité acquise, réappropriée.

C’est redire encore et encore, que porter des talons et des minis n’a pas grand chose à voir avec le fait d’être meuf.

Je ne suis pas plus légitime à porter des résilles que qui que ce soit. Je ne suis pas né* prédisposé* au rouge à lèvres. Comme n’importe quel être humain, si je veux tenir en talon de douze, je devrais d’abord me péter la gueule pour apprendre. Je devrais apprendre quelle crème mettre sur ma peau, comment coiffer mes cheveux, me vernir les ongles sans trop dépasser (23 ans, je sais toujours pas colorier dans les bords), m’épiler les sourcils.

Je suis fem parce que je sais que c’est un atelier, que je ne prends pas tout et pas tous les jours, que j’ai un niveau bien planté dans le crâne et que la bulle est bien au centre quand je suis maquillée et poilue, quand au bout de mes jambes à résilles, j’ai des baskets de skate, que je ne pique les fringues de mon père qu’à condition d’avoir les cheveux longs et un peu de vernis.

 

Être fem ne fait pas de moi une vraie fille.

Me maquiller les yeux ne me rend pas meilleure que celle qui se maquille la moustache.

Je n’utilise pas ma fém-ité comme un outil de compétitivité. Je ne l’utilise pas pour me placer au dessus des autres sur le marché de la meuf.

Être fem alimente ma sororité, mon respect pour celles qui y arrivent plus que moi, qui y ont mis plus d’effort ou plus de goût. T’enflammes pas pétasse, tu sais moi j’te trouve vraiment classe.

Je sais que ton amour des mini-jupes n’a rien à voir avec tes statistiques sexuelles, qui elles-mêmes n’ont rien à voir avec la choucroute.

Être fem implique de ne pas rabaisser les autres selon leur façon de se fém-iser, d’essayer de ne pas me rabaisser moi-même en comparaison.

C’est prendre conscience qu’on peut retirer un certain pouvoir de la fem-ité et essayer de le redistribuer. La fem-ité me place parfois à un niveau confortable (?) sur l’échelle de la beautécratie et sur celle de l’hétérosexisme.

Il m’arrive de passer pour jolie, c’est-à-dire conforme aux normes de beauté et que les gens m’écoutent plus pour cette raison, d’être considérée plus humaine. Parfois c’est tout l’inverse. Je passe très souvent pour hétéro, même mécanisme : plus écoutée, identité neutre, certifié humain. Au dos de cette pièce, il y a toujours la douloureuse et problématique invisibilité.

 

Être fem n’est pas un privilège parce qu’on vit dans un monde sexiste, mais parce que ce sexisme est complexe, la femité offre parfois des zones de répit.

 

Je suis fem parce que je refuse de craindre l’épouvantail de la potiche ou de la salope. Je ris à la tronche de ton épouvantail, je le désamorce.

Je vais prendre tous tes symboles de merde et je vais mettre une personne pas du tout comme tu veux dedans.

Je vais pirater tes codes.

Je suis gouine, branleuse, misanthrope et certains jours je te jure que j’ai la gueule à Barbie. Et ça ne fait pas de moi une idiote.

Je le fais pour personne, pas pour le patriarcat, pas même pour les meufs.

 

Enid B.

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