Le mythe de la Police Politique.

The community is sick and the community is blind

La communauté est malade et la communauté est aveugle

And it’s colder than Poland and the sun is not shining here

Et il fait plus froid qu’en Pologne et il ne fait jamais soleil

And we’re tangled in the shit of each other’s ruined affairs

Et on s’embrouille dans les merde confuses de chacun-e-s

And half of us are faking and the other half is tired and scared

Et la moitié d’entre nous fait semblant, et l’autre moitié est fatiguée et apeurée


Thee silver Mt Zion – Could’ve move moutains

Ca fait un petit moment déjà que, autant chez « la droite réactionnaire », les libéraux et les sociaux-démocrates que dans nos petits milieux anti-autoritaires et anti-oppressions, on entend souvent revenir le mot de police pour caractériser les personnes qui tentent de pointer les comportements et propos problématiques. Tout en faisant réfléchir leurs auteur-e-s à ce qui les a poussé à faire/dire ces choses : c’est à dire dans la plupart des cas l’intériorisation de plein de trucs pourris dont on nous bourre le crâne depuis qu’on est gosse (mais qui n’est pas acceptable pour autant) lorsque ce n’est pas la volonté délibérée de nuire à une/des personne-s.

C’est ainsi que l’on peut entendre parler de la mystérieuse police politique lorsque quelqu’un-e se fait critiquer pour son féminisme cissexiste, lorsque quelqu’un-e défends bec et ongles des rappeurs blancs hétéros contre les LGBTI racisé-e-s qui le critique, lorsque quelqu’un-e envoie chier et ridiculise des végan-e-s qui voulaient essayer de remettre en cause notre façon de consommer et d’utiliser les corps des animaux non-humains. Ce qui est certainement le plus drôle dans tout ça c’est que les grand-e-s libertaires qui se voient accusé-e-s d’avoir eu des comportements problématiques utilisent alors la même rhétorique que nos grand-e-s ennemi-e-s, Manif pour Tous, fachos et autres réacs de bases. Celui de la pensée unique, de la police, du « on ne peut plus rien dire », du politiquement correct.

Bien qu’il soit indispensable de questionner continuellement la façon extrêmement punitive dont nos communautés ont l’habitude de régler les conflits, et comment il est indispensable d’y trouver des alternatives (1), répondre à la personne qui remet nos comportements/discours en question par des arguments ne se centrant pas sur l’oppression que l’on perpétue (et par ce procédé la niant) n’est certainement pas une réaction acceptable. Mais c’est bel et bien une tentative de s’en sortir en implorant la liberté (tandis que tout le monde se branle (et a raison) de la liberté des fachos à dire ce qu’il veulent) et comparant son interlocuteur/rice à une institution d’état incarnant en elle-même l’oppression et le fascisme, ce qui est ridicule mais aussi très dangereux. C’est aussi reléguer son comportement oppressif et donc une violence instituée, systématique et excluante comme simple opinion, et oublier que le privé est politique, toujours, encore, et plus que jamais. Déplacer le débat équivaut donc à nier la violence vécue et silencer les minorisé-e-s.

Le parallèle très évident entre cette défense et les arguments habituels de nos ennemi-e-s politiques explicites laisse penser que pour se défendre d’être un-e oppresseur-e (ce que nos société ont réussi, d’une point de vue personnel (mais justement en le dépolitisant), à positionner négativement) il n’y a que les arguments des réacs qui tiennent. Ce qui n’est pas particulièrement étonnant, il est évident qu’il existe des réactionnaires chez les anars. Mais ça clarifie au moins le fait que cela ne tient pas particulièrement la route politiquement de se défendre d’avoir été excluant-e par la ridiculisation, les comparaisons douteuses et l’inversion de l’agression, qui ne sont au final que des méthodes de silenciations.

C’est exactement le même procédé qui est utilisé lorsque on évoque les nazis, pour parler des féministes, des végan-e-s, des LGBTI, des anti-racistes, celui de décrédibilisation d’un mouvement politique par la comparaison de ce mouvement au fascisme et à la répression. Tandis qu’il est évident que les comportements visant à remettre en question des comportements oppressifs semble plus être un processus d’évolution et de questionnement politique que de la répression visant à asseoir la suprématie des dominant-e-s. Quelle que soit la violence d’une réaction à des propos visant une minorité, elle n’est en rien comparable à la violence systématique que vivent les personnes minorisé-e-s, et certainement moins violente que les propos critiqués.

Le refus d’être silencieu-se-s envers des propos offensants, patriarcaux, cis-heterosexistes, libéraux, racistes, spécistes, validistes, n’est en aucun cas une forme d’oppression. Nous luttons tout-e-s pour détruire le système qui institue ces violences comme normes, mais là encore, certaines personnes pensent que seules certaines sont à détruire. Ratant alors totalement le but de tout ce pour quoi nous somme sensé-e-s nous battre. Il est important de toujours se remettre en question, de ne jamais arrêter de croire que l’on est à l’abri de faire des erreurs ou de blesser une personne en ayant des propos profondément oppressifs. Il est donc primordial d’écouter et de prendre en compte ce que des personnes nous disent si on veut arriver à être des personnes le moins horribles possible.

L’unité n’est qu’un mythe et certainement pas un prétexte à laisser des attitudes excluant des minorités (souvent minorités des minorités) dans nos espaces, ainsi la pédagogie, la verbalisation des violences subies, et la recherche de solutions collectives comme personnelles pour changer les échanges et situations d’oppressions sont des outils que nous devons utiliser. Mais comprendre et ne pas policer (justement) la violence avec laquelle les personnes visé-e-s répondent est vital pour la survie autant de ces personnes que de nos idéaux politiques.

C’est en questionnant et changeant nos comportements, en créant une culture de compassion et d’intransigeance (2) que l’on parviendra à arrêter de reproduire ce que la société hétéropatriarcapitaliste nous a appris à faire, et ainsi, peut être, commencer à envisager de parvenir à la libération totale.

  1. Je pense, sans avoir de réponse, qu’il est vraiment nécessaire, à cette heure de textes de dénonciation semi-anonymes en pagailles, de vraiment se demander comment on en est arrivé là, pourquoi on continue de le faire, ce que ça nous apporte et quelles autres alternatives nous avons (aussi en créer de nouvelle me semble indispensable).
  2. Compassion avec les personnes tentant de résister à la violence sociale exercée jusque dans nos milieux. Intransigeance avec les comportements excluants/violents/oppressants.
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5 réflexions sur “Le mythe de la Police Politique.

  1. anonyme dit :

    Ca serait sans doute hyper marrant si ce n’était pas aussi pitoyable, ces injonctions à être de la part d’une personne qui renvoie autant de mépris de race et de classe.
    Une femme, racisée et prolètaire.

  2. ultrapuke dit :

    A « anonyme » (j’ai validés tes commentaires mais ils ont disparus) tu veux bien m’expliquer pourquoi il y a du mépris de classe et de race dans mon texte? (je comprendrais que tu ne veuille pas et que tu ne le fasses pas hein) En tout cas je suis désolé et ça montre très clairement que j’ai encore du travail à faire sur moi-même et que j’ai moi aussi des comportements pourris/offensant/oppressifs en tant que personne blancHE et venant d’une famille de classe moyenne. Bref, je suis encore désolé.

  3. anonyme dit :

    Pas dans ton texte mais tes attitudes et comportements du quotidien. Oui ca montre très clairement que tu as encore du travail, peut etre est il temps de se montrer aussi radical.e et intransigeant.e avec soi qu ‘avec les autres

    • ultrapuke dit :

      Je vois pas le rapport avec le travail qu’il y a là? Et si tu veux connaitre un peu ma situation, mon travail, c’est pute, donc oui j’ai un travail, quand je trouve des clients.
      Quand au fait que je doive me montrer intransigeantE avec moi autant qu’avec les autres oui t’as raison et je m’excuse encore si j’ai fait de la merde (ce que j’ai fait de toute façon).

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